Lorsque le travail de l'historien Saul Friedländer est publié au début des années 1960, il déclencha une vive polémique. L'attitude de Pie XII face à la politique d'Hitler est en effet une question passionnée s'il en est. Encore aujourd'hui la controverse n'est pas morte, pour le grand public du moins, et notamment depuis que la Vatican a engagé une procédure pour la béatification et la canonisation d'un pape tant contesté.
De manière chronologique, de mars 1939 à septembre 1944, Saul Friedländer décortique l'attitude du Saint Siège face aux événements successifs qui viennent frapper l'Europe : les victoires du Reich, l'attaque allemande contre l'URSS, la mise en place de la solution finale, la politique antireligieuse du Reich ou encore la déportation des Juifs de Rome ou de Hongrie.
Dans une introduction prudente, l'historien explique les raisons de ses bornes chronologiques, et surtout les sources dont il dispose (et celles dont il n'a pas accès : celle du Vatican). L'ouvrage s'appuie sur des citations des courriers diplomatiques, des rapports officiels, ou encore des mémoires, presque tous contemporains aux années de guerre, l'auteur ayant compilé et structuré l'ensemble pour établir le fil des évènements. Toutes les précautions sont prises pour offrir au lecteur un travail sérieux et largement reconnu aujourd'hui.
La question qui plane sur l'ensemble de l'étude est bien entendu le (quasi-)silence du souverain Pontife face à la déportation des Juifs à travers toute l'Europe. Pourquoi n'a-t-il pas réagi fermement et condamné la politique nazie ?
Ce livre montre combien la réponse n'est pas simple, comme souvent en Histoire. Antisémitisme, bolchevisme, peur des représailles, actions secrètes, attitude du clergé, … autant de notions qui viennent complexifier les réflexions et nuancer les jugements les plus durs. Le dernier chapitre du livre est une remise en perspective écrite en 2009 de l'attitude de Pie XII devant l'extermination des Juifs et montre brillamment que pour comprendre et se faire une opinion de l'attitude du Pape, il faut aussi chercher à définir la fonction papale : fonction politique soumise à la loi du siècle et de la diplomatie, ou fonction spirituelle et autorité morale au dessus des querelles humaines.
A lire absolument pour comprendre toutes les subtilités de la question.