Voilà une bande dessinée qui changera le regard de nombre de lecteurs pour qui le genre est dépourvu de toutes subtilités et bien loin de la littérature. C’est une autobiographie complexe dense et émouvante qu’Alison Bechdel nous offre ici.
L’auteur part de son journal intime qu’elle tient depuis l’âge de 10 ans pour se livrer sur son enfance et son adolescence. Une période qui l’a construite, qui lui a permis de s’accepter, d’affirmer son homosexualité et de digérer les secrets de famille : un père professeur de littérature anglaise et responsable d’une maison funéraire (la « fun home », jeu de mot en anglais avec « Funeral Home »), cultivé et sévère, à la limite de la tyrannie, attiré par les hommes plus jeunes que lui et qui décède dans un accident dont le contexte pourrait supposer un suicide. Un passé lourd donc, un récit fort où les références littéraires et (trop?) "intello" ne manquent pas : Oscar Wild, Colette, James Joyce ou encore Scott Fitzgerald. Les graphismes doux en bleu-nuit rajoutent de la force au récit.
Alison Bechdel trouve là l’occasion de se mettre à nu de manière émouvante sur la relation avec son père et de se comprendre elle-même, mais aussi de partager son expérience, son homosexualité féminine peu abordée en BD, ses interrogations et ses doutes nés avec l’adolescence… Une œuvre remarquable dans sa construction qui par la qualité de la narration fait oublier le côté nombrilisme et avec laquelle j’ai pris un réel plaisir.
L'avis un peu plus mitigé de In Cold Blog et que je partage sur bien des points. Je reste plus nuancé sur son regret "d'une oeuvre qui manque cruellement de chaleur". C'est exact mais c'est cette froideur et ce décalage qui m'a plu... Mais comme lui je n'irai pas la considérer comme un chef d'oeuvre de la BD autobiographique.